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sábado, 17 de junio de 2017

ENTRETIEN AVEC LE JUGE MATÍAS M. DEANE: «Les membres du jury nous surprennent jour après jour, procès après procès»

Il y a quelques jours, à la Matanza, un policier a été déclaré non-coupable de meurtre par un jury estimant que l'accusation n'avait pas démontré la responsabilité de ce dernier dans cette affaire au-delà de tout doute raisonnable. Le juge Matías Deane a présidé ce procès et suite au verdict, s'est longuement entretenu avec les jurés.

Ci-dessous l'interview réalisée par Pablo Ober pour l’AAJJ

Le Juge Matías Deane

Mr le Juge: « J'ai eu plusieurs procès devant cour d'assises à présider et à chaque fois, j’ai observé la même chose: Les jurés arrivent toujours à l'heure, sont respectueux, se conforment aux instructions et comprennent clairement leur rôle. Leur attitude est très participative et nul besoin de souligner à quel point ils sont attentifs. Je les observe constamment lors des procès. Ils prennent des notes et écoutent très attentivement les témoignages. Ils font preuve de beaucoup d'engagement quant à leurs devoirs et leur responsabilité de devoir juger une autre personne ».

Journaliste: « Vous voulez dire qu’ils n’ont pas la même attitude lorsqu'ils regardent les informations à la télévision ou discutent en famille que lorsqu’ils sont en position d'être juges... »

Mr le Juge: Exactement. Je pense que c'était l'un des grands préjugés à combattre lors de procès devant une cour d'assises. Beaucoup de personnes ont dit que les jurés agiraient de façon vindicative, condamnant à tout-va. D'autres ont dit qu'ils ne se sentiraient pas "concernés". Ce qui est arrivé est tout à fait le contraire et se confirme procès après procès. Le procès devant cour d’assises dans la province de Buenos Aires prouve que les gens prennent les choses avec responsabilité de manière bien plus sérieuse que l'on ne pourrait l’imaginer a priori. Ces craintes étaient totalement infondées.

Journaliste: Vous m'avez confié que vous discutez avec les jurés lorsque le procès se termine .....

Mr le Juge: Oui, tout à fait. Je parle habituellement avec eux à la fin des procès. Je leur demande comment  leur a paru le débat, s'ils ont compris mes instructions concernant la loi et le droit des preuves et comment ils ont vécu l'expérience de juge. Je fais ça avant tout comme une forme d'autocontrôle; pour voir si je suis clair et s'ils me comprennent. Bien sûr, on ne parle pas du tout du contenu de leurs délibérations qui sont régies par la loi du silence. Les échanges et les questions qu'ils me posent montrent très clairement le point central de leurs préoccupations. Plus d'une fois, j’ai été extrêmement surpris par l'approche originale qu’ils ont dû prendre pour estimer ou non certaines questions sujettes à polémique. Ce sont des raisonnements auxquels je n’avais pas pensé et qui, en y réfléchissant, s’avéraient tout à fait pertinents et intelligents. En tant que juge, je dois avouer je ressens une admiration et une affection particulières vis-à-vis de procès devant cour d’assises. Ils nous surprennent jour après jour, procès après procès.

Journaliste: Que vous ont dit les jurés après le débat?

Mr le Juge: Ce qui a attiré mon attention dans cette affaire, c’est le commentaire d'une jeune fille de moins de 30 ans: «Nous manquions d’informations».  J’ai été très frappé par cette phrase. Je lui ai demandé des précisions et elle m’a dit: « Il y avait des choses que l’accusation a laissé entendre, qu’elle n’a pas totalement démontré et qui nous étaient nécessaires afin de mieux comprendre le déroulement des faits». Je me suis senti très heureux parce que je ressentais la même chose. Les membres du jury exigent beaucoup plus de « qualité » comparé à ce que nous sommes jusqu’à présent habitués. En outre, le commentaire de cette fille confirme la vertu principale du système de jurés: Ils dépendent à 100%  des litiges d’ordre public. Autrement dit, des preuves que les parties présentent et comment ces dernières les exposent. C'est ça le point essentiel. Le jury donnera son verdict uniquement par rapport à «l'information » fournie par les parties lors du procès et pas ailleurs. Je veux parler du dossier ou d'autres sources en dehors du débat.

Le jury


Journaliste: Etes-vous d'accord avec le verdict de ce jury?

Mr le Juge: Oui, bien sûr. Ce fut un verdict très raisonnable, conforme aux preuves du procès. C’était un dossier difficile pour l’accusation. Rappelons qu'il y avait dans ce procès-là un procureur mais aussi un procureur privé. Mais son dossier de preuves n'était ni très solide ni très fourni.

Le jury du procès Silva

Journaliste: Que feriez-vous améliorer le système de jury?

Mr le Juge: Les avocats et les juges doivent approfondir les aspects du litige par voie orale, en particulier comment construire et l’exposé des théories de l’affaire de manière efficace. Mais il est tout aussi important de nous préparer à la maîtrise précise de la preuve. Aucun des points suivants -théorie de l’affaire et usage des preuves- ne sont inclus dans notre formation académique d’avocats. Nous ne l’avons pas fait à cause de notre tradition historique qui est de porter des jugements écrits. Il est encore très difficile pour nous de résoudre et penser une affaire sans « dossier». Cela transparait très clairement lors des procès en cour d’assises.

Journaliste: De quelle manière?

Juge: Je vous donne un exemple très visuel. Lors d'autres procès en cour d’assises que j'ai menés, les parties ont fait leurs plaidoiries et réquisitoires en se dirigeant et en s’adressant à moi. Incroyable. J’ai dû leur dire de se tourner, de s’adresser au jury car c’était étaient eux, ceux qui allaient résoudre l'affaire.

Résumé du procès: « Il n'y avait pas de preuve pour le condamner »

Mariano Gustavo Silva, agent de la Police de Buenos Aires, a été acquitté après deux jours de procès devant jury, le 26 et 27 Avril dernier à La Matanza.
Le réquisitoire mené par le procureur Jose Luis Claudio Longobardi et le plaignant privé a cherché à démontrer que Silva, avec son fils et d'autres du quartier Villegas de Ciudad Evita, avaient prévu d'assassiner Fernando Leguizamón, par vengeance pour avoir battu et poignardé le petit-fils de la femme du fonctionnaire de police. Il a requis une condamnation pour meurtre avec préméditation avec complicité de deux personnes ou plus.
Les témoignages visant à appuyer cette théorie se sont révélés insuffisants.

L'accusé Silva
Miguel Ángel Racanelli, avocat particulier de Silva, a plaidé la non-culpabilité. Silva a déclaré qu’il n'était pas l'auteur et a présenté des preuves visant à démontrer qu’il n’avait quitté la maison qu'après la fusillade ayant coûté la vie à Fernando Leguizamón. Il fut par la suite démontré que Silva avait quitté le domicile dans l’unique but d’aider le petit-fils de sa femme.
La défense a mis en lumière ce que l'accusation avait évité de mentionner: Le garçon avait déjà reçu, par le passé, trois coups de couteau de la part de Leguizamón.
Face à cette information accablante, le jury a rendu son verdict : Non-coupable.

Même le procureur Longobardi, l'une des personnes ayant le plus plaidé en cour d’assises en province, a déclaré à l’A.A.J.J. ne pas être surpris par le verdict: « La preuve permettait de plaider l’homicide aggravé mais le jury a pris la décision qui lui semblait juste».

 Avocat Miguel A. Raccanelli

L’avocat de la défense Racanelli a déclaré : « Dans un premier temps, j’étais contre un procès en cour d’assises, mais sans plus. Maintenant, je suis tout à fait pour. Je pensais que le manque de connaissances juridiques fragiliserait la capacité du jury à prendre la décision. Je me rends compte que c'était un préjugé de ma part. Je me rends compte désormais que les jurés sont extrêmement raisonnables, intelligents et font preuve de beaucoup de bon sens et d’une grande équité. Une fois, j’ai perdu un procès en cour d’assises mais je dois reconnaitre que le verdict dans ce procès était correct. C’était à mon tour désormais de l’emporter. Pour le reste, nous sommes désormais tous certains qu’il s’agissait de la solution la plus juste et la mieux adaptée ".